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EN BREF
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Le secteur du transport de marchandises joue un rôle clé dans le réchauffement climatique, représentant environ 25% des émissions mondiales de CO2. Ce secteur, souvent sous-évalué par rapport au transport de passagers, connaît une croissance d’environ 2% par an depuis les années 2000. La Stratégie Nationale Bas Carbone vise une réduction quasi totale des émissions de carbone d’ici 2050, avec des objectifs intermédiaires fixés pour 2030. Malgré la majoration de l’utilisation du fret maritime et routier qui constitue 90% des transport de marchandises, ces modes émettent une part disproportionnée du CO2, avec le transport routier représentant à lui seul deux tiers des émissions. Les disparités d’intensité carbone sont également marquées, le fret aérien étant 25 fois plus émetteur que le fret routier, bien qu’il ne représente qu’une fraction des volumes transportés. Le changement climatique impose de nouveaux défis aux infrastructures de transport, tout en rendant la décarbonation du secteur essentielle pour atteindre les objectifs climatiques.
Le secteur du transport de marchandises connaît une accélération étonnante grâce aux avancées économiques et technologiques. Cela nous permet de consommer plus facilement des biens venant des quatre coins du monde. Cependant, cette mondialisation engendre des conséquences notables sur le réchauffement climatique, principalement dues aux émissions générées par le transport des marchandises. Dans cet article, nous ciblerons les idées reçues concernant le lien entre le transport de marchandises et l’impact climatique, en présentant des données scientifiques précises afin de démystifier les notions entourant ce sujet crucial. Nous analyserons les impacts du transport sur le climat, les modes de transport les plus préjudiciables, ainsi que les objectifs de réduction des émissions pour l’avenir.
L’impact du transport de marchandises sur le changement climatique
Le transport, tant des marchandises que des passagers, est souvent considéré comme un facteur secondaire dans le débat sur le changement climatique. Pourtant, ce secteur représente le deuxième émetteur de CO2 au niveau mondial, juste après la production d’énergie, contribuant à environ un quart des émissions mondiales en 2019. Bien que les émissions des passagers soient souvent au cœur de l’attention médiatique, il est essentiel de noter que les transports de marchandises pèsent également lourd dans cette balance, représentant environ 45% des émissions du secteur.
Les émissions liées au transport de marchandises continuent de croître d’environ 2% par an, un phénomène qui ne doit pas être négligé. Alors que les semblants d’espoir en matière de durabilité se parlent souvent des avancées technologiques, le fait est que la demande croissante et l’augmentation des échanges mondiaux exacerbent cette problématique. Dans ce contexte, nous devons être en mesure de quantifier nos dépendances et nos impacts, afin de mieux appréhender les stratégies à adopter pour les réduire.
Les objectifs de réduction des émissions pour le fret
Aujourd’hui, les objectifs fixés pour réduire les émissions de carbone dans le domaine du transport à l’horizon 2050 sont ambitieux. En France, la Stratégie Nationale Bas Carbone vise à atteindre une réduction de près de 100% des émissions de carbone générées par le transport, excepté pour le transport aérien domestique. Dans une perspective européenne, l’objectif est d’atteindre une réduction de 90% par rapport aux niveaux de 1990. Pour y parvenir, des objectifs intermédiaires sont définis à l’horizon 2030, où la France veut réduire ses émissions de 25% et l’Europe de 55%.
Il est important de souligner que le fret maritime et l’aviation, séparément des périmètres étatiques, ont également convenu à des objectifs de réduction de leurs émissions, avec une ambition de zéro émission nette d’ici 2050. Néanmoins, le manque de précision autour de ces objectifs rend leur mise en œuvre plus difficile, surtout en ce qui concerne les rapports de réduction d’émissions effectifs.
Analyse des différents modes de transport de marchandises
Les moyens de transport les plus impactants en absolu
Pour déceler quel mode de transport a le plus d’impact, la notion de « tonne-kilomètre » est parfois utilisée, représentant le transport d’une tonne de marchandise sur un kilomètre. Selon les statistiques de l’OCDE, les voies maritimes et le transport routier continuent de dominer le panorama du transport de marchandises, cumulant ensemble 90% des volumes globaux. En revanche, le fret aérien représente une petite fraction – seulement environ 0,2% des volumes.
Pourtant, malgré ce faible volume, l’impact climatique de l’aérien est disproportionné: le transport routier génère environ 66% des émissions de CO2 du secteur, tandis que le maritime suit avec 22%. Le fret aérien, bien que peu utilisé en volume, reste significatif avec environ 5% des émissions totales.
Les transports les plus impactants en intensité
Un autre phénomène à considérer est l’intensité carbone des différents modes de transport, c’est-à-dire les émissions par tonne de marchandise transportée par kilomètre. On constate que le fret aérien émet 25 fois plus de CO2 que le fret routier sur de grandes distances, et plus de 100 fois que les transports ferroviaires ou maritimes. Même pour les courtes distances, les véhicules utilitaires ont une intensité bien supérieure à celle des poids lourds, nécessitant une réflexion sur les choix opérationnels pour réduire la consommation énergétique.
Les risques physiques liés au changement climatique pour le fret
Les effets actuels du changement climatique sont déjà visibles et affectent de manière significative les chaînes d’approvisionnement mondiales. Avec une augmentation prévue de la température moyenne, des événements climatiques tels que des vagues de chaleur, des inondations et des sécheresses compromettent la viabilité des différents modes de transport de marchandises.
Par exemple, le fret maritime est en danger en raison de la montée du niveau des mers et des événements climatiques imprévisibles tel que les ouragans. Des cas concrets, tels que le canal de Panama, montrent comment une sécheresse prolongée a déjà perturbé le transport, rendant ainsi ce chemin vital pour l’économie mondiale très vulnérable.
Le fret routier et ferroviaire subira également de nouveaux aléas liés aux températures extrêmes, créant des problèmes tels que la déformation des infrastructures. Le fret aérien, dont de nombreux grands aéroports sont proches de la mer, va également être confronté à des défis majeurs, posant ainsi des questions sérieuses sur l’avenir de l’infrastructure de transport face au changement climatique.
Les principaux leviers de décarbonation du transport de marchandises
Pour atteindre les objectifs climatiques et réduire les émissions de CO2, plusieurs leviers de décarbonation se présentent. D’une part, des leviers de sobriété visent à réduire la demande de transport, comme l’optimisation des chaînes logistiques, la modération des distances parcourues, et le report modal vers des options plus énergétiquement efficaces.
D’autre part, des innovations technologiques, telles que la baisse des consommations énergétiques des véhicules avec le renouvellement de la flotte, l’optimisation des infrastructures, et la transition vers des carburants alternatifs, sont également nécessaires. Avec la diversité des options énergétiques, des solutions comme l’hydrogène, la biomasse et l’électricité commencent à se tailler une place dans le secteur.
Est-ce que la technologie sera suffisante pour décarboner le fret ?
La technologie seule ne suffira pas à décarboner le fret. Les objectifs de réduction des émissions étant très ambitieux, surtout face à la croissance continue du fret qui pourrait doubler d’ici 2050, la modération de la demande est tout aussi essentielle. Cela implique non seulement de réduire les volumes transportés, mais également de favoriser une réorganisation des chaînes logistiques régionales, pour diminuer les distances parcourues.
Ce processus de modération n’est pas uniquement une exigence écologique; il sera également dicté par la hausse des coûts associés aux carburants alternatifs par rapport aux combustibles fossiles. Cette dynamique devrait obliger de nombreux secteurs à revoir leurs modèles de production et de consommation.
Le transport de marchandises en masse et le climat
Choisir des modes de transport plus conséquents pour des volumes de marchandises plus importants peut effectivement entraîner des réductions d’émissions par tonne transportée. En effet, un navire ou un poids lourd de plus grande capacité sera généralement moins émissif par tonne-kilomètre en raison d’un effet d’échelle.
Cependant, cette approche doit être équilibrée avec une stratégie globale d’optimisation, car des véhicules trop volumineux qui circulent sans être remplis peuvent avoir l’effet inverse sur les émissions. De plus, il faut prendre en compte les conséquences potentielles sur l’environnement urbain, telles que l’augmentation des nuisances sonores et la complexité de la logistique urbaine.
Énergie alternative pour le transport routier
Le choix de vecteurs énergétiques alternatifs pour les camions est crucial, en particulier dans la perspective d’une sortie complète des énergies fossiles d’ici 25 ans. Les motorisations comme l’électrique, l’hydrogène et divers biocarburants représentent des avenues prometteuses pour décarboner le secteur. Chacune de ces technologies apporte avec elle des avantages et des inconvénients.
La motorisation électrique, par exemple, est largement plébiscitée pour son potentiel dans les zones urbaines, tandis que d’autres options comme le biogaz ou l’hydrogène sont souvent mieux adaptées pour le transport longue distance. Il sera incontournable de trouver un équilibre entre les bénéfices écologiques et les réalités économiques de ces alternatives.
Démystifier le fret maritime et son décarbonation
Avec environ 1 000 MtCO2 émis par an, le fret maritime est responsable de 2 à 3% des émissions totales de GES. Le secteur maritime a été peu considéré dans les accords climatiques globaux, mais des efforts sont en cours pour atteindre des objectifs de neutralité carbone d’ici 2050.
Pour y parvenir, une des principales actions sera de substituer les carbones fossiles actuellement brûlés par des carburants alternatifs. En parallèle, des leviers comme la réduction de la vitesse des navires ou l’optimisation de leur conception devront également être mobilisés. La modulation des flux de marchandises apparaît comme indispensable pour rejoindre les objectifs de décarbonation.
Défis et perspectives pour le fret ferroviaire
Le fret ferroviaire présente un potentiel évident pour réduire les émissions de CO2 et apparaît déjà comme une solution plus écologique. Pourtant, il peine à s’imposer en France, où sa part modale a considérablement diminué. Le réseau ferroviaire souffre d’une densité insuffisante souvent aggravée par une régulation rigide.
Pour valoriser le fret ferroviaire, il est crucial d’investir dans les infrastructures, de moderniser les lignes existantes et de renforcer la synergie entre le transport ferroviaire et d’autres moyens de transport, comme le fluvial. En fusionnant ces efforts avec des politiques incitatives, la France pourrait donc favoriser une relance significative de ce mode de transport.
Les enjeux du fret fluvial en France
Bien que le transport fluvial soit l’un des plus écologiques, il n’est pas assez exploité en France. En raison de la désindustrialisation et du manque d’entretien des infrastructures, son utilisation a chuté alors qu’il constitue une alternative très intéressante au transport routier.
Pour développer le fret fluvial, le pays devra s’engager en faveur de la régénération des voies navigables, tout en tenant compte des défis qu’engendrent les enjeux climatiques comme les périodes de sécheresse. En assurant un meilleur entretien de l’infrastructure, le transport fluvial pourrait être revitalisé, permettant ainsi d’optimiser les chaînes logistiques tout en réduisant notre empreinte carbone.
Impact de la consommation locale
Consommer local est souvent perçu comme une solution simple pour atténuer les émissions dues au transport. Cependant, il est essentiel d’aborder cette question avec nuance. Pour la majorité des biens de consommation, la part des émissions liées au transport dans l’ensemble de leur cycle de vie est inférieure à 5%. Ainsi, si consommer local peut réduire les émissions de transport, ce n’est pas toujours la solution la plus efficace pour l’environnement.
La clé réside donc dans la recherche de produits moins nocifs pour l’environnement dans leur somme étendue de paramètres, incluant la production et l’usage. En se concentrant sur des modes de production locaux plus durables, il est possible de réduire l’empreinte carbone à un niveau significatif.
Le commerce en ligne et ses implications environnementales
À une époque où le commerce en ligne est en plein essor, il est crucial de se interroger sur son impact environnemental comparé aux achats en boutique. Les émissions pourraient varier largement selon les habitudes de livraison et le mode de transport utilisé. En effet, des commandes en ligne livrées avec optimisations peuvent générer moins d’émissions que les trajets en magasin individuels.
Malheureusement, les achats en ligne ne sont pas exempts d’impact; une grande part des émissions provient de la fabrication et de l’usage des produits eux-mêmes. Ainsi, repenser notre relation avec la consommation en minimisant les acquisitions superflues pourrait agir significativement pour alléger la pression qui pèse sur notre empreinte carbone.
La livraison en vélo-cargo : un potentiel sous-exploité?
La livraison en vélo-cargo émerge comme une alternative prometteuse pour le dernier kilomètre, en particulier dans les zones urbaines denses. Bien qu’elle représente une diminution substantielle des émissions de CO2, son potentiel est généralement limité à ce dernier segment de la chaîne logistique. Il est important de ne pas perdre de vue que la dimension de l’approvisionnement doit être pensée de manière globale.
Pour rendre le vélo-cargo rentable et efficace, un cadre adéquat doit être mis en place pour optimiser la logistique urbaine tout en soutenant les efforts pour réduire le transport peu efficient sur les longues distances. La synergie entre les divers moyens de transport favorisera donc une transition plus fluide vers des solutions durables.
Le fret aérien : une nécessité à réévaluer
Malgré un volume de transport relativement faible, le fret aérien détient le record des émissions par tonne-kilomètre. Utilisé principalement pour sa rapidité, il est souvent attribué à des marchandises précieuses ou périssables. Cependant, une grande partie des marchandises transportées par voie aérienne ne présentent pas de contraintes de temps exclusives, ce qui les rend alternatives à des solutions de transport moins polluantes.
Pour diminuer l’impact du fret aérien, il serait judicieux de relocaliser la production et de justifier chaque expédition par des réalités logistiques plus complexes qui prennent en compte les défis climatiques actuels. Cela nécessitera des changements significatifs dans nos comportements de consommation et dans la structure des chaînes d’approvisionnement.

En tant qu’acteur du secteur du transport, je constate souvent que les gens pensent que l’impact du transport de marchandises sur le changement climatique est minime. Pourtant, les données montrent qu’il constitue environ 45% des émissions de CO2 du secteur des transports. Chaque fois que je discute de cet enjeu, je souligne l’importance de prendre conscience de cette réalité et d’agir en conséquence.
J’ai rencontré plusieurs personnes persuadées que le transport aérien est le seul à avoir un impact fort. Beaucoup ignorent que le transport maritime et routier sont responsables de la majorité des émissions de gaz à effet de serre. C’est choquant de voir à quel point ces idées reçues façonnent les comportements d’achat et de logistique. En tant qu’expert en logistique, j’essaie de les éduquer sur l’importance des choix de transport de marchandises, en insistant sur le fait que chaque mode a son rôle et son impact spécifique.
Un ami, responsable d’une petite entreprise, m’a confié qu’il privilégiait les produits locaux pensant ainsi réduire son empreinte carbone. Bien que cela soit vrai, j’ai dû lui expliquer que le transport représente souvent moins de 5% des émissions totales d’un produit. Il réalise maintenant que le véritable défi réside dans la durabilité des pratiques de production et de consommation au-delà du simple transport.
Enfin, un représentante d’une ONG environnementale a partagé son étonnement concernant le fret aérien et la demande croissante pour des livraisons rapides. Elle a souligné les contradictions entre la nécessité de réduire les émissions de CO2 et le développement du commerce électronique, souvent basé sur des livraisons express, qui poussent les entreprises à utiliser des modes de transport très polluants. Ce point de vue m’encourage à penser à des solutions innovantes et durables pour réduire l’impact climatique du secteur.
